Des Saulées à la Saulaie, 200 ans de transformation
Une histoire marquée par les caprices de l'Yzeron par des paysages marécageux domptés par l'homme pour laisser la place à des terres agricoles par la Révolution industrielle par l'empreinte d'une vaste histoire cheminote… Autant d'évolutions qui ont forgé l'identité de la Saulaie.
Aux origines de la Saulée
Jusqu'au début du 20ème, la population et les activités économiques d'Oullins se concentrent essentiellement dans deux quartiers de la ville, l'un au fond de la vallée de l'Yzeron, aujourd'hui centre-ville oullinois, le second sur les bords du Rhône, la Saulaie.
Pourtant, rien ne prédestinait la Saulaie à accueillir entreprises, industries et habitations. Avant 1800, le secteur se caractérisait par ses « brotteaux », zones marécageuses facilement inondables, constitués de hauts arbres (peupliers, saules…). Au début du 19e siècle, ces « brotteaux » sont transformés en pâturages communaux arborés, les « saulées », qui ont donné leur nom au quartier.
Pour accélérer leur assainissement, ces Saulées seront pour la plupart louées à des paysans pour être mises en culture. Une partie cependant sera cédée gratuitement en 1827 pour le passage de ligne de chemin de fer Lyon-Saint-Étienne.
1ÈRE LIGNE DE CHEMIN DE FER DE FRANCE ET D'EUROPE
La 1ère ligne de chemin de fer européenne voit le jour... en France. Elle permet d'évacuer le charbon des mines de la région stéphanoise vers le Rhône, où naviguent des bateaux à vapeur.
Le 1er mars 1832, la ligne rallie Lyon et est ouverte aux voyageurs. L'aller dure 6 heures. Le retour prend une heure de moins grâce à la pente favorable. Sur le plat, la locomotive travaille seule. Dans les côtes, elle est aidée par des chevaux transportés à cet effet dans le chargement. Elle transporte rapidement presque 150 000 voyageurs par an.
Cette voie ferrée passe notamment à Oullins, en bordure du Rhône à la Saulaie : elle donne le coup d'envoi d'une histoire qui a marqué la ville pendant un siècle et demi."
TERRE INDUSTRIELLE
Le rail n'a pas été le seul à soutenir le développement économique d'Oullins.
Des tanneries et des verreries ont rapidement profité des atouts du site, lié à sa proximité avec le Rhône, la présence de l'Yzeron et une attractivité économique toujours plus grande. Dès les années 1850, ces entreprises ont été rejointes par des cristalleries, des ateliers de mécanique, des fonderies ou encore une fabrique de produits chimiques. En quelques années, la Saulaie passe d'une terre agricole au plus grand site industriel d'Oullins et à l'un des plus importants du Rhône.
Le tournant du 20ème siècle, sur les voies de la SNCF
Dès 1947, de vastes ateliers de réparation et de construction dédiés au chemin de fer s'installent à la Saulaie : la Compagnie des hauts fourneaux et ateliers d'Oullins. L'entreprise compte plus de 300 ouvriers et dispose d'un matériel lourd : fonderie, forge, fours, laminoirs… Les ateliers sont rachetés par la Compagnie du chemin de fer Grand-Central de France en 1854. Ils deviennent l'un des plus importants ateliers de maintenance et de construction de la Compagnie du chemin de fer Paris-Lyon-Méditerranée (PLM) en 1832. Au début du 20e siècle, le personnel du PLM représente près d'un tiers de la population active de la commune ! En 1938, avec la nationalisation du réseau ferré, les ateliers de la Saulaie deviennent propriété de la toute jeune SNCF et accueillent un centre de formation au concours d'entrée des plus réputés.
Les innovations se succèdent, comme en 1976 avec la modification complète de la locomotive "le Zébulon" qui donnera naissance au TGV… La rame TGV n°58 sera d'ailleurs baptisée avec les couleurs d'Oullins en 1983.
Époque contemporaine
Les années cinquante voient le début du déclin industriel du quartier, avec la fermeture des usines issues de la révolution industrielle. Fin 1960, la construction de l'autoroute A7 est à double tranchant : si elle préserve la Saulaie des crues du Rhône, elle prive le quartier de son accès au fleuve. A la même époque, l'activité des ateliers SCNF est en perte de vitesse. Les ateliers d'Oullins ferment définitivement au début des années 1990, 100 ans après leur mise en service. De vastes friches témoignent encore aujourd'hui de cette faste histoire cheminote.
La Saulaie au fil de l'eau
La Saulaie a noué un lien étroit avec l'eau du Rhône comme de l'Yzeron. Cela se reflète dans ses paysages, son urbanisme, son évolution sociale ou encore son évolution économique…
Le lien entre la Saulaie et l'eau ne date pas de son histoire industrielle, mais s'ancre dans un passé bien plus ancien. Des fouilles effectuées lors du terrassement à la construction de la piscine laissent penser que le pont d'Oullins remonte aux Romains, et était alors dans l'axe de la rue Narcisse-Bertholey. Les habitants ont toujours composé avec la double trame bleue qui caractérise le site, entre le Rhône et l'Yzeron. Le Rhône a notamment favorisé le commerce et l'agriculture. Le fleuve a aussi accueilli des activités festives, comme des courses de barques ou des parties de pêche… sans compter les baignades l'été !
LES CRUES DÉVASTATRICES D'OULLINS
Cependant, cette proximité de l'eau n'a pas que des avantages. L'Yzeron déborde dès que son écoulement est gêné par le fort débit du Rhône. Certaines grandes crues ont marqué les esprits : 1910 (1 mètre d'eau à la Saulaie), 1914 (l'Armée est appelée à la rescousse), 1936, 1956, 1957…
Les Sauléens circulent alors en barque, les habitants des rez-de-chaussée sont accueillis par ceux des étages. Ces catastrophes naturelles ont resserré les liens entre les habitants du quartier et ont contribué à la création de la Compagnie de sauvetage d'Oullins, qui existe encore aujourd'hui. Dans les années 60, la construction de l'autoroute A7 met le quartier à l'abri, même si cela n'empêche pas la grande inondation de 2005.
Depuis 2002, les 20 communes traversées par l'Yzeron se sont regroupées en Syndicat d'aménagement et de gestion notamment pour coordonner leurs actions de maîtrise de cette rivière.
Focus
Le bac à traille, prêt à embarquer ?
La mise en place d'un bac à traille entre la Saulaie et le sud de la ville de Lyon date de 1867. Cette grande barque à fond plat se déplaçait grâce à une poulie, le long d'un câble (la traille) tendu entre deux tours situées sur chaque rive. Elle était propulsée par la force du courant. Elle est peu à peu abandonnée après 1935, les habitants préférant passer par les ponts nouvellement construits. Elle retrouve cependant toute son utilité lors de la Seconde Guerre mondiale, lorsque les Allemands dynamitent les ponts de Lyon le 2 septembre 1944.
Focus
Haut lieu de la résistance cheminote
Durant la Seconde Guerre mondiale, les ateliers constituent un actif foyer de résistance.
Le 13 octobre 1942, les ouvriers déclenchent une grève contre le STO (Service du Travail Obligatoire en Allemagne). Pas moins de 30 ouvriers sont arrêtés. Malgré tout, le mouvement sera fortement suivi. Le même jour, des cheminots font valoir leurs droits à la grève dans toute la région lyonnaise, mais aussi à Chambéry ou à Saint-Étienne. Rapidement, des grèves éclatent dans d'autres usines du département du Rhône, puis à Marseille, Ambérieu, Roanne, Clermont-Ferrand, Béziers… Les historiens analysent souvent cette première grève cheminote comme la première manifestation collective de refus du travail en Allemagne.
Focus
Les logements Mangini, ancêtres des HLM
Face à la croissance urbaine de la fin du 19e siècle et à l'insalubrité des logements ouvriers qui l'accompagne, le lyonnais Félix Mangini fonde en 1886 la "Société Anonyme des Logements Économiques". Cet organisme est précurseur des sociétés d'habitations à bon marché, les HBM (l'ancêtre du HLM, habitation à loyer modéré). Entre 1895 et 1899, le Lyonnais fait construire une douzaine de ces immeubles HBM de "type Mangini" rue de la Gare (aujourd'hui rue Pierre-Sémard) et rue du Pénitencier. Ces immeubles à destination des travailleurs des ateliers ferroviaires se caractérisent par une conception qui allie salubrité (WC à chaque étage) et prix abordables.